Djibril Cissé

A l'exception notable de Nicolas Anelka qui a réussi à s'attirer uniquement l'adulation des pré-ados de 10 à 12 ans (on dit plus enfants, tas de réacs has been), tous les sportifs "issus de l'immigration", comme le dit la formule consacrée, sont les idôles malgré elles de toute une génération car ils sont la preuve que ... bla bla bla. On nous le gave à l'entonnoir à chaque compétition internationale grâce à nos amis les journaux de 13 heures. Mais si, vous savez, le truc qui passe entre les pubs de 12h54 et celles de 13h39 et qui vous montre que le black sympa qui vous vend de la crême au chocolat dans la pub de 16h21 pousse en short une baballe dans un filet carré entre deux scéances photos.

Ces gladiateurs d'une nouvelle ère se font catapulter icônes dès lors qu'ils sont interviewés et que le coût mirobolant de leur transfert est publié dans l'Equipe. Mais on lui a demandé avant, à Zizou, s'il voulait être le porte-parole de la jeunesse des cités ? Et Thierry Henry, quand il a signé son contrat publicitaire avec Gatorade, il savait qu'il allait avoir sa photo placardée chez tous les pakis de Calais à Cannes et de Rennes au Rhin ? Et encore, je parle que des glorieux de 98 et 2000 ; les contre-performances de 2002 et 2004, on va y venir.

Qu'on soit fan ou pas, il faut reconnaître que, contrairement aux lofteurs-up-and-down-lofteurs-move-around et aux star-académiciens-à-sa-mémère, les footeux ont un talent à la base avant de se faire mettre en orbite sur les couvertures de magasines. Là où ça se barre en douille, c'est quand cette renommée les propulse à un point où ils ne peuvent plus que décevoir. Souvenez-vous de Deschamps, capitaine victorieux de la team 98, qui a soudain perdu toute considération populaire à partir du moment où des spécialistes de la lecture sur les lèvres sont venus confirmer en direct au JT de France 2 que, sur la vidéo où on le voit parler (sans l'entendre) avec son entraîneur, il lui signifie qu'il arrête sa carrière ? S'il avait donné ce scoop à Eurosport deux heures avant, il aurait sans doute quitté la piste en héros, pas en lâcheur, dans les yeux du français moyen.

Quand l'Equipe de France déconne, c'est jamais de la faute d'un mauvais jeu. C'est toujours un facteur extérieur. Une vieille blessure à un bon passeur, le manque d'oxygène quand on joue en hauteur (sans percuter que l'équipe d'en face souffre du même handicap) ... Où un joueur en moins. Là où ça devient très fort, c'est quand il en devient une star.

Cissé, j'en avais déjà entendu parler. Je l'avais même vu poser dans des revues fashion chez ma coiffeuse. Qu'il jouait bien, oui, ça m'était venu à l'oreille. Je savais même qu'il avait inspiré les plus grands acteurs américains dans le choix de leur look.

Mais maintenant qu'il est blessé à cause de ces salauds de bouffeurs de nems, je sais que la France a perdu son joueur-clé. Pourquoi ? Ben parce que la radio me l'a dit. Le type dans le poste qui est sensé être le pro du foot de son équipe, a annoncé d'un air grave : "la France a perdu son joueur-clé."

Merde alors.

Mais non, je dis non, pas merde du tout !

Souvenez-vous de la réplique ultra-connue qu'on nous a pourtant fait passer pour révolutionnaire, dans "la Haine" : le plus douloureux, c'est pas la chute, c'est l'aterrissage. Djibril, grâce à toi, nous n'avons plus à avoir peur ! Nous t'avons perdu, toi le joueur-clé, alors nous savons que nous n'avons plus aucune chance de la gagner, cette coupe à la con ! Même moi qui suis un total je-m'en-footiste, je sais maintenant que toi, le joueur-clé, l'idole de ma génération, tu n'es plus en état de sauver la France, et de fait j'ai déjà accepté l'idée qu'on va devenir la risée de la FIFA une nouvelle fois ! Je n'ai plus peur de l'avenir !

Dans ton malheur, tu aideras 60 millions de supporters spontannés à avaler la rude pillule d'une branlée annoncée ; car tu leur permettras de passer cette dure période de transition entre la hargne et la sueur, et les réalités du quotidien, je te remets, Djibril, le Bernard Kouchner d'Or. Crois moi, ça vient du coeur.

Comments

[Lledelwin]

et ben voila, la branlée du Mondial, c'est pas du tout la cause de l'Italie, c'est même pas à cause que Zizou il a frappé (et s'est fait expulsé dans la foulée) Non...

Non non...

C'est parce que la France a perdu son joueur-clé.

C'est pas moi qui vais jeter la première pierre, moi aussi je perd souvent mes clés